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Retrouvez les textes écrits par les personnalités suivantes à propos des sculptures de Marguerite Noirel...

 

MARGUERITE NOIREL   

par Véronique LACROIX

 
Marguerite NOIREL « L’art est folie et – comme toute chose – ne manque pas de sens. » Jean Tinguely.
 
L’aventure de Noirel commence dans son quotidien, chez le ferrailleur du coin, collectant au gré de balades prospectives des objets métalliques et variés tels des outils agricoles, des pièces industrielles, électroniques, des ustensiles ménagers et bien d’autres. Une récolte matérielle et idéelle pour dénoncer le consumérisme de la société occidentale qui dans sa course effrénée au progrès, institutionnalise le jetable. L’objet utilitaire, vite supplanté par un autre plus compétitif, s’avère donc périssable ; une fatalité combattue par cette plasticienne qui réinsère l’objet déchu dans le champ de l’art comme l’évoque le titre allusif de la série des Natures post-mortem. Des rebuts de tous horizons qui digérés par l’ensemble, disparaissent au profit d’une satire existentialiste soulignant l’absurde.
 
Entre les mains de Noirel la matière inerte se réincarne en objet d’art esthétique et cruel qui, sous la forme de Portraits de famille ou de boîtes de Pandore, raconte avec sarcasme la condition humaine. Ces figures hybrides, mêlant l’humour de J. Tinguely à la dynamique spatiale de J. Gonzáles, s’exposent dans des portraits psychologiques qui tentent de s’extirper de cadres fantaisistes ou géométriques. Des encadrements référants à la tradition picturale ou photographique des portraitistes, dont l’esthétique vaniteuse ne semble pas séduire notre plasticienne lui préférant celle caricaturale en trois dimensions. Ainsi, comble de l’ironie, la quincaillerie de pacotille se fait le reflet de la nature humaine et profonde. Un paradoxe suggérant peut-être que cette dernière est plus superficielle qu’on veut l’entendre et que l’Homme reste, dit J.-P. Sartre, pure « illusion d’optique »*. Car Noirel veut mettre à nu, approcher la vérité intrinsèque de ces figures décharnées en manque de rondeurs et de générosité ou aborder dans la série Pandora les maux de l’humanité –vices, vieillesse, mort, etc. Et l’espoir, prisonnier de la boîte reliquaire apparaît parfois en un os, une roche avec des yeux, une bouche suggérant que chaque être est porteur du monde meilleur auquel il aspire et qu’il est, de fait, responsable de son destin. Quant aux Natures post-mortem, elles fossilisent dans le fer, la beauté intemporelle de ces objets utilitaires que l’on voit sans jamais les regarder. D’ailleurs les yeux, omniprésents dans l’œuvre de cette plasticienne, ne sont ils pas les regards de ceux qui ne veulent pas voir pour « ne pas mourir de la vérité »** ?
 
Un amalgame d’objets métalliques auquel s’ajoutent de rares éléments polymères ou naturels en une accumulation laquelle, notait S. Freud, « met fin à l’impression de hasard ». Noirel ordonne ainsi le chaos dans ses sculptures polymorphes où la composition rigoureuse respecte la structure interne des objets et participe de la cohérence formelle de l’œuvre. Les vides modelés par les pleins intègrent l’environnement à ces œuvres ouvertes et aériennes, dont la légèreté résiste au fer froid et rétif qui finalement se plie et se soumet aux formes souples et dynamiques. L’usure des matériaux, des couleurs, les traces de rouille apparentes, sont révélées par l’intervention de cette plasticienne qui vernit, tord, rompt le matériau et fige dans ses sculptures les altérations du temps, voire anticipe celles à venir. Au matériau meurtri répond l’habileté de l’artiste-artisan qui assemble les pièces et meule les soudures jusqu’à l’obtention d’une unité plastique, témoin imperceptible de l’artefact.
 
Ainsi, de l’alliage réussi de l’ingéniosité et de l’humour, du dense et du léger, de l’extra et de l’ordinaire, les sculptures de bric et de broc de Noirel transcendent le quotidien dans une œuvre remarquable où le fer et l’aimant racontent, avec tendresse, les facéties humaines.
 
Véronique Lacroix.  
 
* J.-P. Sartre, Le diable et le bon dieu, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2000, p. 223. ** F. W. Nietzche, Ainsi parlait Zarathoustra, Paris, Poche, 1972.

 

 

 

Cette page fait partie du site de Marguerite Noirel. Cette artiste réalise des sculptures d'art contemporain. Elle travaille à Paris et dans le Puy-de-Dôme (Auvergne).