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Retrouvez les textes écrits par les personnalités suivantes à propos des sculptures de Marguerite Noirel...

Le M de Marguerite NOIREL est celui de :    

par Françoise MONNIN

 

Machine : Marguerite NOIREL récupère et soude des fragments d’objets métalliques originellement destinés au travail. Les courbes de ses sculptures proviennent de torsions mécaniques et leurs ombres de découpes industrielles. Le déhanchement de tuyaux d’échappement, le rayonnement d’hélices de refroidissement, la prison de fourchettes, la dentelle de chaînes de mobylette, l’horizon de dents de scie, fournissent à l’artiste des structures graphiques dont le dynamisme original puissant a été dicté par des nécessités de résistance. Hors d’usage, ces tensions demeurent d’autant plus superbement respectables qu’elles ont été indispensables. Seul reste agréable ce qui a été utile.
Magie : parce qu’elle ne la trouve pas inquiétante, Marguerite NOIREL respecte l’étrangeté. .

Magnétisme : "J’ai toujours été fasciné par les décharges, dit-elle. Ressenti pour elles une émotion, une douleur, une beauté. Une esthétique. Un plaisir visuel". L’occident capitaliste croit tellement en la vitesse, depuis un siècle, qu’il se vautre dans la consommation. Mais plus il jette, moins il respire. La ligne droite des raccourcis ne passe pas par le royaume des fées. Le poète errant au travers d’un de ces cimetières de l’avant-garde démodée que l’on appelle décharge, dépotoir ou déchetterie, le "dé" étant toujours jeté en premier lieu pour signifier que la fête est finie, croit en la proximité d’un trésor comme en la nécessité des détours, des boucles souples, des ronds dans l’eau et du vol des oiseaux. Les angles des oeuvres de Marguerite NOIREL sont émoussés. .

Maîtrise : Outil = arme domestiquée.

Malice : "L’humour est pour moi quelque chose d’important. Il existe des personnages horribles. Pourquoi ne pas les raconter en les rendant ridicules ?" . L’humour c’est le recul. Le recul c’est la mémoire. .

Maquillage : "J’aime la rouille. Si je la meule pour assembler deux éléments de métal, je remaquille les endroits brillants en les peignant". Marguerite NOIREL nimbe ses oeuvres de poussière d’automne. Comme si les marques du Temps étaient des signes de sublime élégance. C’est vrai que la rouille ressemble à la terre. .

Marchepied : Marguerite NOIREL a récemment récupéré deux marchepieds de fiacre pour les convertir en antennes. Il y a toujours des fourmis dans les pieds de ceux qui ont du plomb dans la cervelle.

Matériau : "Au début je me laisse porter par le matériau. Je sais qu’il me plaît mais je ne sais pas ce que je veux en faire"..

Méduse : "Par besoin qu’ils aient un regard", Marguerite NOIREL fixe souvent à ses êtres soudés un ou deux yeux de verre, trouvés aux puces ou chez des taxidermistes. .

Mélancolie : Travailler avec la mémoire des objets confirme leur disparition. Parce que la pratique du recyclage entérine le passage du temps, La mélancolie aime se faufiler dans l’atelier des assembleurs. .

Mémoire : Marguerite NOIREL m’a dit : "La première chose que j’ai décarcassée, c’était un lit" . Et aussi : "La sculpture que j’ai baptisée Passé Composé traîne une casserole et possède un rétroviseur qui ne lui sert à rien". Et encore : "J’ai un rapport au temps fusionnel, harmonieux. L’idée de l’espace-temps, des deux axes, de la croix, me fascine". L’espace-temps c’est la sculpture-mémoire. Au Moyen-Orient, le Dieu du temps est le même que celui des forgerons. .

Métal : Marguerite NOIREL est une femme dont les yeux magnifiques possèdent des reflets métalliques. Il n’y a pas de métal sans feu.

Microcosme : "J’aime faire des choses avec rien. Fabriquer. Dans le jardin de mon enfance à Reims déjà. En Auvergne aujourd’hui, toujours"..

Mircéa Eliade : Ecrivain, auteur en 1956 d’un ouvrage intitulé Forgerons et Alchimistes, Mircéa Eliade y dit notamment : "On n’insistera pas sur la sacralité du fer. Qu’il passe pour tombé de la voûte céleste, ou qu’il soit extrait des entrailles de la Terre, il est chargé de puissance sacrée. La révérence envers le métal se maintient même chez les populations de haute culture. Les rois malais gardaient il n’y a pas si longtemps une motte sacrée de fer qui faisait partie de leur regalia, et l’entouraient d’une vénération extraordinaire mêlée d’une terreur superstitieuse. Pour les primitifs qui ignoraient le travail les métaux, les outils en fer étaient encore plus vénérables : les Bhil, population archaïque de l’Inde, offraient des prémices de fruits à leurs pointes de flèches, qu’ils se procuraient chez les tribus voisines"..

Mode d’emploi : "Je ne fais pas émerger de la terre, comme un sculpteur. J’assemble. J’ai l’impression de faire une phrase en cherchant mes mots. Je colle un petit coup de soudure lorsque je suis sûre, mais avant, je mets des pinces et des serre-joints"..

Monstre : "J’aime faire des choses qui n’existent pas, entre homme et animal. A tendance figurative, mais des créatures hybrides. Avec des queues, des pinces, des antennes. Elles n’agressent pas, elles captent". Marguerite NOIREL applique une recette formulée il y a cinq siècles par Léonard de Vinci. Au-delà du monstre, elle définit la poésie. Les étincelles ne jaillissent que des rapprochements inattendus. .

Monument : Les formes fabriquées par Marguerite NOIREL sont hiératiques et symétriques. .

Montage : Les oeuvres de Marguerite NOIREL sourdent moins d’un sentiment universel que d’une sensation cosmopolite. En combinant des échantillons, l’artiste leur rend certes hommage mais en célèbre surtout les déchirures. Un assemblage est une cicatrice indélébile. .

Mort : C’est pour annoncer l’Apocalypse que Marguerite NOIREL promène entre les montagnes déchiquetées et rouillées des ferrailleurs sa brouette, et qu’elle l’emplit en jubilant. En magnifiant des outils abandonnés, en accusant leur résistance tout en soulignant leur rouille, en recherchant leur temps perdu, Marguerite NOIREL apprivoise la mort. "Pas de manière morbide", souligne l’artiste, qui convient que pour pratiquer l’assemblage il faut ne pas croire à la métamorphose; qu’il faut préférer la ligne historique au cycle naturel. "Saturne avec sa faux est une image que j’adore", dit la dame brune. .

Mouvement : "J’ai d’abord collectionné des bouts pour leur beauté. Puis un ami sculpteur m’a appris à souder, il y a dix ans. Et depuis quatre ans j’expose"..

Mythologie : "La mythologie m’inspire. L’actualité aussi". Entre les deux, Marguerite NOIREL donne forme à des dieux contemporains. A l’Usure, dernière épouse du Temps; à la Disparition, récemment admise par la Mort; à la Pauvreté, toute puissante. Et à tous les mots en M comme fleur qu’on effeuille, dont l’abécédaire ci-dessus définit la Matière.

Paris, Avril 1995.

 

 

 

Cette page fait partie du site de Marguerite Noirel. Cette artiste réalise des sculptures d'art contemporain. Elle travaille à Paris et dans le Puy-de-Dôme (Auvergne).